« Les guinéens souffrent en silence mais ne sont pas dupes »

goutte-3JOURNÉE MONDIALE DE L’EAU | INTERVIEW

Michel Frossard, expatrié français en mission au dispensaire Saint-Gabriel de Matoto décrit le calvaire de l’eau au quotidien à Conakry.

Q. : Vos lieux de travail (Matoto) et de résidence (Bambeto) font partie des quartiers les plus durement touchés par la pénurie d’eau. Pouvez-vous nous décrire votre quotidien ?

un homme assis au bout d'une file de bidons dans un quartier de ConakryMichel Frossard : Il y a quelques années, dans le quartier de Bambeto (à mi-chemin entre l’aéroport et la nouvelle ambassade des Etats-unis) où nous habitons, il y avait de l’eau. En témoignent avec éloquence les douches de nos salles de bain, la machine à laver le linge, les chasses d’eau de nos WC et même le ballon chauffe-eau électrique dans la cuisine… Je suis depuis 18 mois en Guinée et malheureusement je n’ai quant à moi pas encore eu la chance de voir une seule goutte d’eau au robinet.

Conakry. La queue devant une des quelques propriétés raccordées à l’eau. © Kibarou.com

Il faut donc faire comme tous les guinéens des quartiers défavorisés dans leur approvisionnement en eau : trimballer des bidons de 20 litres pour boire, faire la cuisine, laver le linge, évacuer des WC ce qui doit l’être, nous doucher (ou plutôt nous laver avec quelques verres d’eau). Evidemment, ça n’est pas facile pour nous à qui il est demandé de faire preuve d’une efficacité à l’européenne dans cet environnement matériel typiquement africain… Et pourtant, nous, nous avons la chance de remplir nos bidons aisément au dispensaire, notre lieu de travail. Certains de nos voisins ont des puits, mais ce n’est pas le cas de la plupart des guinéens qui nous entourent.

Q. : D’après vous qu’est-ce qui a conduit à une telle aggravation de la pénurie ces dernières années ?

M.F. : Les guinéens vivent cela avec une philosophie admirable et souffrent en silence, mais ils ne sont pas dupes. Ils savent très bien que la dégradation de la situation est due au délitement de l’Etat et des services publics. En effet, la Guinée « Château d’eau de l’Afrique de l’Ouest » ne manque pas d’eau !

Q.
: Lors de la Journée mondiale de l’Eau, le 22 mars dernier, l’Unicef a promis des appuis importants. Etes-vous plus optimiste pour l’avenir ?

M.F.
: C’est surtout le récent changement de gouvernement qui a redonné un peu d’espoir. Un nouveau ministre à d’ailleurs été nommé pour l’hydraulique et l’énergie. Tous ici sont persuadés qu’il va mettre bon ordre à tout cela et que dans 3 mois tout le monde aura l’eau et l’électricité… Pour ma part je ne vous cache pas que j’attends de voir ce que la compagnie nationale SEG (Société des Eaux de Guinée) fera, stimulée par le nouveau gouvernement. Je suis plutôt d’accord avec ceux qui proposent d’introduire la mixité public-privé en ce qui concerne les grandes compagnies nationales eau et éléctricité car, entièrement nationales, elles sont incapables d’être « dures » avec leurs nationaux.
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